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dimanche 24 juillet 2005.
Célia Harménil (24 ans) et Jean Kamanda (25 ans) se sont connus sept ans plus tôt, lors d’un stage d’athlétisme. Il vivait alors à Paris et elle à Lyon. Depuis quelques mois, ils habitent ensemble et s’entraînent également ensemble. Après une saison au bilan mitigé, suite à des blessures difficiles à soigner, les deux athlètes reviennent sur leur carrière.
Pouvez-vous nous parler de vos débuts dans l’athlétisme ?
Célia : J’ai commencé en 93, j’avais 12 ans. Une prof m’avait suggéré de m’inscrire dans un club. Mais avant ça, j’avais déjà touché à plusieurs autres sports, j’ai toujours aimé le sport en général. Donc, je me suis inscrite à l’ASPTT de Lyon où je suis restée dix ans. Ce qui m’a plu dans l’athlé, c’est que c’est un sport pluridisciplinaire. Donc, je faisais des haies, du sprint et du saut. Puis j’ai commencé à avoir de bons résultats en saut, je n’étais pas trop mauvaise en sprint mais j’ai préféré le saut.
Jean : Moi, je faisais du foot au début, puis j’ai commencé l’athlé à l’école. Donc j’ai pratiqué le foot et l’athlé à l’école pendant quelques années. A 14 ans, j’ai été sollicité par le centre de formation du PSG mais j’ai choisi l’athlétisme. Au départ je faisais des haies, du triple saut. Mais je me suis blessé sur les haies, et depuis, je n’en ai plus refait. Puis j’ai essayé la longueur où j’ai commencé à avoir des résultats encourageants alors ensuite je me suis fixé sur le saut en longueur uniquement.
Quand avez-vous commencé à avoir des résultats ? Qu’en est-il de votre « palmarès » ?
Célia : J’ai acquis de bonnes bases en saut en longueur et petit à petit, j’ai fait de très bons résultats. J’ai été championne de France cadette en 98, championne de France junior en salle en 99. J’ai aussi été qualifiée pour les Championnats d’Europe junior (en 1999) et les Championnats du Monde junior (en 2000). J’ai eu cinq titres de Championne de France, le dernier était à Angers, il y a deux ans. Sinon, j’ai eu le record de France cadette avec 6m37 et le record de France junior de longueur en salle avec 6m43.
Jean : J’ai moi aussi quelques titres nationaux : j’ai été Champion de France, vice-champion de France et une fois troisième. J’ai été sélectionné en équipe de France junior. Mais ensuite j’ai eu une rupture des ligaments qui m’a valu six mois d’arrêts.
Justement, comment as-tu réussi à revenir après une telle blessure ? N’as-tu pas pensé alors à abandonner l’athlétisme ?
Non. Ce n’est pas une blessure qui allait m’arrêter. Je me suis fixé l’objectif d’atteindre les 7m90, tant que cet objectif ne sera pas atteint, je ne raccrocherais pas mes pointes ! Suite à cette blessure, j’ai stagné pendant deux ans, je devais faire un entraînement qui ne me permettait pas de faire des bonnes perfs. Mon entraîneur me faisait surtout travailler le physique, donc les performances ne suivaient pas trop mais j’ai dû accepter. Je suis revenu petit à petit, alors que personne n’y croyait plus, avec 7m35 et plus récemment, j’ai battu mon record personnel avec 7m59 au meeting de Bron. Les blessures ne sont que des mauvais moments à passer, donc j’essaie de ne pas me prendre la tête. Je me fais confiance, je sais que j’ai les capacités pour aller loin.
Célia Harménil pendant l’interview |
Célia, tu as toi aussi été blessée, peux-tu nous en parler ?
En fait, l’année dernière, je suis rentrée à Lyon en grande partie pour l’athlé, j’ai mis ma carrière professionnelle entre parenthèse pour me consacrer uniquement à l’athlétisme. Je suis revenue de Paris, et j’ai repris les entraînements avec mon entraîneur de l’ASPTT Jean-Jacques Veillas car je stagnais... Alors, j’ai voulu me donner à fond dans l’athlé. Je m’entraînais deux fois par jour, cinq à huit fois par semaine. Je voulais me qualifier pour les Jeux Méditerranéens de juillet 2005. J’avais fait un beau retour avec 6m70 en avril, j’avais gagné plusieurs meetings mais je me suis blessée au meeting de Pézenas, je me suis fait une talonnade. J’ai quand même participé aux meetings suivants, meeting de Thonon-Les-Bains et de Bron en juin, j’ai terminé première avec 5m98 et 5m93 mais la blessure s’est aggravée. J’ai alors fait des entraînements en piscine pour aborder le meeting suivant en forme. Et le 2 juillet dernier, au meeting de Moulin, la douleur était toujours là. J’ai fini deuxième avec 5m97 mais... (Émue) Il était temps pour moi d’arrêter, je ne voulais pas non plus me ridiculiser. Je galérais pour passer les 5m90 alors qu’en junior, je les faisais sans problèmes. J’ai dû déclarer forfait pour toute la saison estivale.
Suite à cette blessure, as-tu pensé à renoncer à l’athlétisme ?
Parfois, oui. J’avais été au sommet si on peut dire ainsi et du jour au lendemain, plus rien. Comme a dit David Douillet « On est champion le jour même, mais plus le lendemain. » Bien sûr, on a toujours espoir de revenir mais quand je vais aux meetings et que je n’y participe pas... Et puis, actuellement, il y a beaucoup de jeunes qui se démarquent en saut, qui percent à leur tour. Récemment, mon record a été battu et je n’étais même pas sur la piste pour pouvoir le défendre... Je me demande si ça vaut le coup de s’investir autant si on ne reçoit pas de résultat en retour. C’est grâce à mon entraîneur Jean-Jacques Vaillas qui m’a toujours soutenue que je continue. Il me connaît depuis dix ans et il est comme un deuxième père pour moi. C’est un pilier, il me comprend ; il est toujours là pour me dire de continuer, de ne pas renoncer. Sans lui, j’aurais peut-être abandonné. On a beau avoir la passion de l’athlétisme en nous, il faut quelqu’un autour pour nous épauler. Ce qui est frustrant avec ma blessure, c’est que je peux courir, lancer, mais je ne peux pas sauter, prendre une impulsion.
Quel bilan pouvez-vous faire de cette saison 2004/2005 ?
Célia : Cette année, je n’ai pas pu prouver que j’étais là. J’avais espéré faire un beau retour en rentrant de Paris, j’avais réussi puis j’ai eu cette talonnade... Bien sûr, il y a pire. Et de toutes façons, c’est souvent quand on est en forme qu’on se blesse puisqu’on pousse notre corps à fournir beaucoup d’efforts. Je me bats toujours, je poursuis mes entraînements, j’en ai toujours deux par jour et j’espère revenir la saison prochaine. Mais aujourd’hui je ne pratique plus l’athlé comme lorsque j’étais en cadette. Je n’ai plus la même insouciance, je ne saute plus avec le même plaisir qu’avant, je cherche avant tout à me prouver que je peux revenir, que je peux faire les 6m50.
Jean : Pour moi, c’était une saison mitigée. Parfois, je terminais dans les trois premiers, d’autres fois, je finissais dans les derniers. Jusqu’au meeting de Bron où je suis revenu avec 7m59, je n’avais pas fait de très bonnes perfs avant. Et même les 7m59 ne me satisfont puisque je vise les 7m90, mais c’est encourageant. Comme je l’ai dit, le jour où j’aurais atteint les 7m90, je pourrais mettre mes pointes de côté ! En attendant, je continue de m’entraîner, je persévère.
Célia, lorsque Jean a battu son record personnel, ne t’es-tu pas sentie frustrée de ne pas pouvoir toi aussi te donner à fond ?
J’étais surtout très contente pour lui, heureuse qu’il revienne enfin. Après les moments qu’il a traversés suite à sa blessure, c’était une belle récompense. Et je me suis dit que je pouvais peut-être moi aussi revenir. Mais, je me suis aussi sentie un peu frustrée d’assister à la compétition en tant que spectatrice et non pas en tant qu’athlète pour pouvoir défendre mon record, me surpasser, revenir moi aussi. Quand je vois tout ce que j’ai investi dans ce sport, parfois je n’y crois plus. Notamment lorsque mon record a été battu et que je n’ai même pas pu le défendre, comme je l’ai expliqué. Je me suis sentie totalement impuissante.
Et pourtant, tu poursuis les entraînements. Comment trouves-tu la force de continuer à te battre ?
Comme je l’ai dit, mon coach Jean-Jacques me soutient énormément. Je garde espoir. Nous avons repris les entraînements à fond, parfois avec l’œil objectif d’un autre entraîneur Alain Tronqual. Et puis, quand je vois des athlètes comme Naman Keita ou Manu Bangué qui est revenu à 28 ans, je me dis que tout est possible. Les grands athlètes comme Christine Aron par exemple sont passés par les mêmes galères et ce sont des gens comme eux qui vont te guider, qui te donnent l’espoir. Mais ça ne suffit pas toujours, je pense que pour être bon en athlé, il faut un bon équilibre sentimental, familial et professionnel pour acquérir ou maintenir un bon équilibre sportif.
A ce sujet, est-ce que vous travaillez en dehors de l’athlé ?
Jean : Je travaille dans la manutention. Il faut travailler en-dehors de l’athlétisme, faire autre chose, c’est mieux.
Célia : Actuellement, je recherche du travail et c’est très difficile : il n’y a quasiment rien, même avec un bon niveau d’études. J’ai même pensé à reprendre mes études à un moment.
A ce propos, tu nous as confié avoir été à Paris pour tes études, tout en continuant l’athlé, peux-tu revenir sur cette période ? Comment alliais-tu le sport et les études ?
En fait, après avoir eu mon BTS action-co (NDLR : Actuel BTS Management des Unités Commerciales), j’ai décidé d’aller à Paris faire une maîtrise de gestion des services urbains. J’avais d’assez bons horaires qui me permettaient d’aller aux entraînements. La vie parisienne me convenait assez bien mais ce qui me fatiguait, c’était surtout les transports, j’allais d’un bout à l’autre : je travaillais en alternance chez Vivendi dans le 92, j’avais cours dans le 94. En rentrant chez moi, j’étais cassée. Mais j’allais toujours aux entraînements. Puis j’ai tout de même obtenu ma maîtrise, j’ai donc un bac + 4. Et en ce qui concerne l’athlé, j’ai un eu un nouvel entraîneur Marc Douilly qui devait gérer un groupe d’au moins vingt athlètes (dont Jean) que ce soit en saut ou en course. Donc il ne pouvait pas se permettre de consacrer son temps à un athlète plus qu’à un autre. Du coup, j’ai un peu stagné, j’ai raté de 5 cm les Championnats d’Europe. Paris était une bonne expérience au niveau des études, mais je n’aurais pas pu faire mieux au niveau de l’athlé.
Célia et Jean lors de l’interview |
Est-ce que vous vous entraidez, vous donnez des conseils ?
Jean : Oui, bien sûr, on se soutient, on s’entraide. On s’est toujours regardé dans les compétitions, observé les résultats de l’un et de l’autre. En plus, on a les entraînements en commun, Célia, Fabien (NDLR : le frère de Célia) et moi. Parfois on se donne des conseils, mais on n’est pas toujours d’accord sur la manière de s’entraîner. Car je n’ai jamais aimé m’entraîner beaucoup contrairement à Célia, sauf dans les domaines où je ne maîtrise pas. Mais quand le coach me demande de faire quelque chose, je le fais. En fait, je préfère m’entraîner en compétition. Nous n’avons pas la même vision des entraînements...
Célia : (sourire) Curieusement, moins on parlera d’athlé, mieux ça sera !
Sinon, y a t-il des athlètes que vous admirez ?
Jean : Moi, c’est l’OM et ses joueurs que j’admire ! (Rires) Plus sérieusement, j’aime bien Manu Bangué et Kader Klouchi, ce sont des gens qui te donnent une vision autre du sport.
Célia : Que j’admire, pas vraiment. Mais j’ai beaucoup de respect pour Reina-Flor Okori, qui a eu une rupture du talon d’Achille et aujourd’hui elle est toujours là, elle continue de gagner. Elle est impressionnante. On s’est toujours suivies notamment pendant les moments difficiles, Sinon, il y a Ladji (NDLR : Ladji Doucouré recordman de France du 110m haies), il est très humble et c’est un bosseur. Puis Naman Keita et aussi Manu Bangué, lui, c’est le sage africain. En fait, c’est surtout leur état d’esprit plutôt que leurs perfs que j’apprécie. Car l’athlétisme est avant tout un état d’esprit.
Quelles sont à votre avis les qualités requises pour pratiquer de l’athlétisme ?
Il faut de la volonté, de la confiance en soi, de l’humilité et aussi du talent.
Pour conclure, que pensez-vous du monde de l’athlétisme ?
Jean : C’est un monde parfois ingrat. Par exemple, lorsque tu te blesses, la Fédé t’oublies, te fais comprendre que c’est fini. Mais ça, c’est la loi du sport.
Célia : Tous les sports sont parfois ingrats. Ingrats dans le sens où par rapport à l’investissement personnel fourni, il n’y a pas toujours de retour.
Jean : Par contre, dans l’athlétisme, il y a de bons contacts humains, des contacts dont tu sais que c’est pour la vie.
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